"On avait tous un paysan dans la famille"
200 fermes disparaissent chaque semaine en France. Historiquement au cœur de la vie agricole, la plupart des fermes qui bordent les routes de nos campagnes sont maintenant reconverties en de simples habitations. Dans les villages, les agriculteurs et agricultrices circulent toujours sur leur tracteur. Et pourtant, leur nombre diminue chaque année. Dans cette série photographique "On avait tous un paysan dans la famille", j’ai voulu documenter ce mode de vie en voie de disparition. J’ai voulu comprendre la transmission centenaire de la ferme de générations en générations, qui est aujourd’hui menacée. Leurs histoires singulières racontent la transformation d’un monde agricole en mutation.
Illies, Nord de la France.
Marcel, agriculteur retraité, entre dans la grande de sa ferme à Illies.
Bucquoy, Pas-de-Calais.
À la ferme du quesnoy à Bucquoy, l’agriculture, c’est avant tout une affaire de famille. Mais c’est aussi l’histoire d’une femme. C’est Anne, en 2002 qui va reprendre les rênes de la ferme de 140ha en polyculture. Grâce aux conseils avisés de son beau père, cette “novice” du monde agricole va devenir l’une des rares cheffes d'exploitation de la région.
Illies, Nord de la France.
Moment du goûter avec Odette, agricultrice retraitée âgée de 78 ans dans la cuisine de la ferme.
Elle était mariée à Marcel, agriculteur lui aussi. Il est décédé à 71 ans. Ils avaient une ferme de 40 hectares. « On avait 7-8, vaches, des poules et on allait aux champs aussi. Avant, il n’y avait pas le matériel agricole qu’il y a aujourd’hui. Maintenant, les agriculteurs sont sur leur tracteur et ne font plus rien. Avant, c’était plus dur », explique-t-elle. Son fils, Bruno, a repris les terres familiales qu’ils avaient en propriété. Mais cela, ne lui suffit pas pour vivre. Il est double-actif ; il travaille deux jours par semaine à l’extérieur en tant que livreur.
Cajarc, Occitanie.
Charles est agriculteur retraité. Il continue d'aider son fils Cyril qui a repris la ferme. Il conduit le tracteur pour récolter les pommes de terre nouvelles, au petit matin. Charles se souvient du moment où la population agricole s’est mise à diminuer, et que les voisins venaient lui proposer de racheter leur terre, ou reprendre un bail. Les terres libérées par les départs des agriculteurs âgés sans relève ont plus souvent servi à agrandir les exploitations en place qu’à lancer des jeunes agriculteurs hors cadre familial (HCF).
Hoerdt , Alsace .
Jean-Jacques vit toujours dans la ferme familiale avec son épouse. Sa fille et son beau-fils vivent également sur le corps de ferme. Son petit-fils Manu et sa compagne ont construit leur maison à quelques mètres. Il confie: « Le travail, c’est un médicament. Les gens qui sont dans leur champ, ils sont vivants ».
La Bassée, Nord de la France.
Pierre, agriculteur soulève une botte de foin avec sa fourche.
Gans, Nouvelle Aquitaine.
Fille de paysans, Babeth reprend seule l’exploitation de son père avant que son mari ne la rejoigne sur la ferme. Indépendante et militante, Babeth, aujourd’hui à la retraite, reste un modèle et un soutien pour les jeunes agricultrices. « Je suis admirative et très fière de la jeune génération de femmes paysannes. Souvent, elles se tournent vers le bio et veulent prendre une place dans la société », explique-t-elle. Quand elle reprend le flambeau familial en 1980, Babeth a déjà une vie professionnelle d’éducatrice derrière elle et n’a pas de diplôme agricole. Elle ne peut donc pas prétendre à toucher des aides à l’installation. De plus, les activités variées de sa ferme (élevage, culture de jonquilles, petits fruits) n’entrent pas dans les filières visées par la Politique Agricole commune (PAC) de l’Union européenne. L’agricultrice fait de sa singularité un atout : celui de ne pas intégrer un système qui ne lui correspond pas.
Lohitzun Oyhercq, Pyrénées-Atlantiques.
Jessica nettoie ses bottes, juste après la traite. Elle a repris, l’exploitation familiale de vaches jersiaises laitières en 2012. Elle est la 5ème génération d’agriculteurs. Un élevage atypique que l’agricultrice de 28 ans a mis en place quand elle a repris la ferme familiale. A l’époque, son père possède un troupeau de vaches de race prim’holstein, avec un contrat de vente exclusif à une laiterie coopérative. Une production qui tourne bien, jusqu’en 2008. La crise économique entraîne une chute des cours du lait. Les dettes s’accumulent et en 2012, l’exploitation familiale, pourtant en place depuis 5 générations, est au bord de la faillite. Jessica décide alors de monter un projet de transformation globale : changement de race de vaches, changement d’alimentation des bêtes, vente directe, production fromagère.
Torcy, Pas-de-Calais.
Gérard, agriculteur retraité, prend son café dans la cuisine.`
Il est le grand-père de Aymeric qui a décidé de s’installer en tant qu’agriculteur. Aucun de ses 4 enfants n’a souhaité devenir agriculteur. Il témoigne : « À l’époque, une ferme se transmettait de père en fils. Mon papa voulait être notaire mais il a repris l’exploitation familiale ». Gérard reconnaît l’exigence du métier. « Il n’y a pas d’heures de travail à la ferme. On travaille de jour comme de nuit. À partir du moment où la récolte est bonne, on travaille sereinement », raconte cet ancien maire de Torcy.
Illies, Nord de la France.
Jean-François, la trentaine, agriculteur comme ses ancêtres vient de distribuer de la paille aux vaches rentrées pour l’hiver. « La ville prend de plus en plus le dessus », confie-t-il. Il s’inquiète de la disparition des terres agricoles.