“On avait tous un paysan dans la famille”
Ils étaient 1,1 millions en 1988, en 2018, ils n’étaient plus que 448 500. En trente ans, la France a perdu plus de la moitié de ses exploitants agricoles. En cause : des conditions de travail difficiles, le vieillissement de la population, des années de politiques défavorables aux petites exploitations et l'évolution des pratiques agricoles. Ce temps où l’on devenait agriculteur de père en fils semble loin. En 2016, le journaliste Julien Gasparutto précisait que "Aujourd'hui les deux tiers des agriculteurs qui approchent de la retraite ne savent pas à qui ils vont transmettre leur ferme. Ils ne trouvent personne dans leur entourage”. Pourtant, ils sont quelques uns à prendre le chemin inverse. Parmi eux, des enfants ou petits enfants d’agriculteurs qui décident de reprendre le flambeau familial. Qui sont-ils ? Quelles ont été leurs motivations ? Leurs plus grandes difficultés ? Souhaitent-il perpétuer l’activité familiale ou la transformer ? Quel serait leur vision de l’agriculture d’aujourd’hui ? Dans plusieurs régions de France, j’ai commencé une immersion dans le quotidien de ces familles où la passion du métier se transmet pour certains.

Pierre-Jean Maerten, mon grand-père, originaire des Flandres, était agriculteur à la Bassée (région Hauts-de-France. ). Faut de repreneurs dans sa famille, il a dû céder sa ferme en 1999 à des voisins agriculteurs. « C'était une période douloureuse pour lui. Il ne voulait pas montrer sa tristesse », confie Marie-Paule, son épouse, agricultrice retraitée.

Dans «les Weppes», poumon vert de la métropole lilloise, Marcel, agriculteur retraité sème des pommes de terre. Il a trois enfants, Emilie, Jean-François et Pierre. Son premier fils, la trentaine, a déjà repris une partie de la ferme.

Marcel entre dans la grange située derrière sa ferme à Illies.

Pierre, le fils de Marcel, nourrit les vaches avec du foin dans la grange.

Pierre (à gauche), sa copine, Amandine, son frère Jean-François (allongé sur le sol) et un agriculteur tentent de réparer la ramasseuse-presse. Le temps est idéal pour lier et réaliser les bottes de foin. Comme Pierre n’arrivait pas à la réparer seul, son frère est arrivé quelques minutes plus tard. Puis, un autre agriculteur, ami de la famille. Cette scène est apparue comme un symbole de cette solidarité entre agriculteurs.

Jessica (à gauche) avec son chien discute avec une stagiaire au sein de sa ferme à Lohitzun dans les Pyrénnées-Atlantiques. Elle élève un troupeau de vache jersiaises. Un élevage atypique que la jeune agricultrice a mis en place quand elle reprend la ferme familiale en 2012.

Jessica nettoie ses bottes dans la salle de traite. « En 2008, avec la crise du lait, la ferme a failli s’effondrer. Pour se relever, on a dû changer de vaches, de systèmes, de manière de produire. On a transformé la ferme et la famille. On s’est transformé, nous », explique -t-elle.

Vers 18h, Jessica effectue la traite du soir. Elle est accompagnée de son apprenti et d’une stagiaire, étudiante au sein d'une école supérieur d'Agro-Développement, à qui elle donne des conseils pour son premier jour.

Jessica remercie son chien d'avoir aidé à guider les vaches vers la salle de traite.

Fabien et sa grand-mère retournent à la ferme après avoir ramassé les oeufs. En 2013, Fabien reprend les terres familiales et 10 vaches de race Angus à Saint-Girons-en-Béarn (région Nouvelle-Aquitaine). Il décide d'arrêter l'élevage de vaches laitière Prim'Holstein. « Il y avait un élevage de vaches depuis 1963, mais c’est du suicide. On travaille de 15 à 17h tous les jours pour perdre de l’argent et avoir des dettes », explique-t-il.

Trois générations d’agriculteurs sur cette photographie : Fabien (le petit-fils à gauche), Pierre (le père, au centre) et la grand-mère à droite. « Le conflit de génération, c’est inévitable », raconte le père qui lui donne parfois des conseilles sur la façon d’atteler le tracteur mais “il préfère apprendre par lui-même”, précise ce dernier.

Fabien distribue le foin aux vaches à l’aide d’une fourche.

Fabien prend soin d’un poussin.

Arnaud est agriculteur dans le département du Lot en région Occitanie. Il cultive principalement du mais. Sur cette photographie, il conduit une castreuse sur le hamp de mais.

Arnaud est également consultant pour les assurances agricoles. Cette seconde activitée est indispensable pour compléter ses revenus.

Arnaud et sa femme ont quatre enfants. A ce jour, aucun d'entre eux n'a décidé de reprendre la ferme. Pour Arnaud, tout est à réinventer.

Le troupeau de vaches d’Aquitaine arrive sur le plateau de Chousse dans le sud-ouest de la France. La transhumance est un évènement symbolique pour la famille Bergez.

Jeanne, âgée de 16 ans à la tête du troupeau, plateau de Chousse, juin 2020. Laetitia a repris l’élevage de son père il y a huit ans. Sa nièce, Jeanne âgée de 16 ans, s'apprête déjà à devenir éleveuse.

Quand la nuit tombe, Laetitia, bergère, aidée par sa famille dont sa nièce, Jeanne, son père Jean et des amis agriculteurs, enlèvent les cloches de route aux vaches, plateau de Chousse, juin 2020.
